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historiens que Tite-Live compulsait, ne devaient pas donner le récit de ces luttes domestiques.

Une chose, du moins, est certaine. Il y a eu, à l’origine de Rome, des clients ; il nous est même resté des témoignages très-précis de la dépendance où leurs patrons les tenaient. Si, plusieurs siècles après, nous cherchons ces clients, nous ne les trouvons plus. Le nom existe encore, non la clientèle. Car il n’y a rien de plus différent des clients de l’époque primitive que ces plébéiens du temps de Cicéron qui se disaient clients d’un riche pour avoir droit à la sportule.

Il y a quelqu’un qui ressemble mieux à l’ancien client, c’est l’affranchi[1]. Pas plus à la fin de la république qu’aux premiers temps de Rome, l’homme, en sortant de la servitude, ne devient immédiatement homme libre et citoyen. Il reste soumis au maître. Autrefois on l’appelait client, maintenant on l’appelle affranchi ; le nom seul est changé. Quant au maître, son nom même ne change pas ; autrefois on l’appelait patron, c’est encore ainsi qu’on l’appelle. L’affranchi, comme autrefois le client, reste attaché à la famille ; il en porte le nom, aussi bien que l’ancien client. Il dépend de son patron ; il lui doit non-seulement de la reconnaissance, mais un véritable service, dont le maître seul fixe la mesure. Le patron a droit de justice sur son affranchi, comme il l’avait sur son client ; il peut le remettre en esclavage pour délit d’ingratitude[2]. L’affranchi rappelle donc tout à fait l’ancien client. Entre eux il n’y a qu’une différence : on était client autrefois de père

  1. L’affranchi devenait un client. L’identité entre ces deux termes est marquée par un passage de Denys, IV, 23.
  2. Digeste, liv. XXV, tit. 2, 5 ; liv. L, tit. 16, 195. Valère Maxime, V, 1, 4. Suétone, Claude, 25. Dion Cassius, LV. La législation était la même à Athènes ; voy. Lysias et Hyperide dans Harpocration, v° Ἀποστασίου. Démosthènes, in Aristogitonem, et Suidas, V° Ἀναγκαῖον.