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ment fidèles à l’ancien régime. Mais ceux qui labouraient péniblement le flanc de la montagne, les diacriens, plus loin du maître, plus habitués à la vie indépendante, plus hardis et plus courageux, renfermaient au fond du cœur une violente haine pour l’eupatride et une ferme volonté de s’affranchir. C’étaient surtout ces hommes-là qui s’indignaient de voir sur leur champ « la borne sacrée » du maître, et de sentir « leur terre esclave[1] » Quant aux habitants des cantons voisins de la mer, aux paraliens, la propriété du sol les tentait moins ; ils avaient la mer devant eux, et le commerce et l’industrie. Plusieurs étaient devenus riches, et avec la richesse ils étaient à peu près libres. Ils ne partageaient donc pas les ardentes convoitises des diacriens et n’avaient pas une haine bien vigoureuse pour les eupatrides. Mais ils n’avaient pas non plus la lâche résignation des pédiéens ; ils demandaient plus de stabilité dans leur condition et des droits mieux assurés.

C’est Solon qui donna satisfaction à ces vœux dans la mesure du possible. Il y a une partie de l’œuvre de ce législateur que les anciens ne nous font connaître que très-imparfaitement, mais qui paraît en avoir été la partie principale. Avant lui, la plupart des habitants de l’Attique étaient encore réduits à la possession précaire du sol et pouvaient même retomber dans la servitude personnelle. Après lui, cette nombreuse classe d’hommes ne se retrouve plus : le droit de propriété est accessible à tous ; il n’y a plus de servitude pour l’Athénien ; les familles de la classe inférieure sont à jamais affranchies de l’autorité des familles eupatrides. Il y a là un grand changement dont l’auteur ne peut être que Solon.

Il est vrai que, si l’on s’en tenait aux paroles de Plutarque, Solon n’aurait fait qu’adoucir la législation sur les dettes en ôtant au créancier le droit d’as-

  1. Solon ; édition Bach, p. 104, 105.