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fournir sa rançon ? Mais il n’y a pas tant de sentiment dans les lois des anciens peuples. L’affection désintéressée et le dévouement ne furent jamais des institutions. Il faut nous faire une autre idée de la clientèle et du patronage.

Ce que nous savons avec le plus de certitude sur le client, c’est qu’il ne peut pas se séparer du patron ni en choisir un autre, et qu’il est attaché de père en fils à une famille. Ne saurions-nous que cela, ce serait assez pour croire que sa condition ne devait pas être très-douce. Ajoutons que le client n’est pas propriétaire du sol ; la terre appartient au patron, qui, comme chef d’un culte domestique et aussi comme membre d’une cité, a seul qualité pour être propriétaire. Si le client cultive le sol, c’est au nom et au profit du maître. Il n’a même pas la propriété des objets mobiliers, de son argent, de son pécule. La preuve en est que le patron peut lui reprendre tout cela, pour payer ses propres dettes ou sa rançon. Ainsi rien n’est à lui. Il est vrai que le patron lui doit la subsistance, à lui et à ses enfants ; mais en retour il doit son travail au patron. On ne peut pas dire qu’il soit précisément esclave ; mais il a un maître auquel il appartient et à la volonté duquel il est soumis en toute chose. Toute sa vie il est client, et ses fils le sont après lui.

Il y a quelque analogie entre le client des époques antiques et le serf du moyen âge. À la vérité, le principe qui les condamne à l’obéissance n’est pas le même. Pour le serf, ce principe est le droit de propriété qui s’exerce sur la terre et sur l’homme à la fois ; pour le client, ce principe est la religion domestique à laquelle il est attaché sous l’autorité du patron qui en est le prêtre. D’ailleurs pour le client et pour le serf la subordination est la même ; l’un est lié à son patron comme l’autre l’est à son seigneur ; le client ne peut pas plus quitter la gens que le serf la glèbe. Le client, comme le serf, reste