Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fice, disait la prière, jugeait, gouvernait. À lui seul, à l’origine, appartenait le titre de pater ; car ce mot qui désignait la puissance et non pas la paternité, n’a pu s’appliquer alors qu’au chef de la famille. Ses fils, ses frères, ses serviteurs, tous l’appelaient ainsi.

Voilà donc dans la constitution intime de la famille un premier principe d’inégalité. L’aîné est privilégié pour le culte, pour la succession, pour le commandement. Après plusieurs générations il se forme naturellement dans chacune de ces grandes familles, des branches cadettes qui sont, par la religion et par la coutume, dans un état d’infériorité vis-à-vis de la branche aînée et qui, vivant sous sa protection, obéissent à son autorité.

Puis cette famille a des serviteurs, qui ne la quittent pas, qui sont attachés héréditairement à elle, et sur lesquels le pater ou patron exerce la triple autorité de maître, de magistrat et de prêtre. On les appelle de noms qui varient suivant les lieux ; celui de clients et celui de thètes sont les plus connus.

Voilà encore une classe inférieure. Le client est au-dessous, non seulement du chef suprême de la famille, mais encore des branches cadettes. Entre elles et lui il y a cette différence que le membre d’une branche cadette en remontant la série de ses ancêtres arrive toujours à un pater, c’est-à-dire à un chef de famille, à un de ces aïeux divins que la famille invoque dans ses prières. Comme il descend d’un pater, on l’appelle en latin patricius. Le fils d’un client, au contraire, si haut qu’il remonte dans sa généalogie, n’arrive jamais qu’à un client ou à un esclave. Il n’a pas de pater parmi ses aïeux. De là pour lui un état d’infériorité dont rien ne peut le faire sortir.

La distinction entre ces deux classes d’hommes est manifeste en ce qui concerne les intérêts matériels. La propriété de la famille appartient tout entière au chef, qui d’ailleurs en partage la jouissance avec les