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sa défense ; à Rome, le service militaire était dû jusqu’à cinquante ans, à Athènes jusqu’à soixante, à Sparte toujours. Sa fortune était toujours à la disposition de l’État ; si la cité avait besoin d’argent, elle pouvait ordonner aux femmes de lui livrer leurs bijoux, aux créanciers de lui abandonner leurs créances, aux possesseurs d’oliviers de lui céder gratuitement l’huile qu’ils avaient fabriquée[1].

La vie privée n’échappait pas à cette omnipotence de l’État. La loi athénienne, au nom de la religion, défendait à l’homme de rester célibataire[2]. Sparte punissait non seulement celui qui ne se mariait pas, mais même celui qui se mariait tard. L’État pouvait prescrire à Athènes le travail, à Sparte l’oisiveté. Il exerçait sa tyrannie jusque dans les plus petites choses ; à Locres, la loi défendait aux hommes de boire du vin pur ; à Rome, à Milet, à Marseille, elle le défendait aux femmes[3]. Il était ordinaire que le costume fût fixé invariablement par les lois de chaque cité ; la législation de Sparte réglait la coiffure des femmes, et celle d’Athènes leur interdisait d’emporter en voyage plus de trois robes[4]. À Rhodes et à Byzance, la loi défendait de se raser la barbe[5].

L’État avait le droit de ne pas tolérer que ses citoyens fussent difformes ou contrefait. En conséquence il ordonnait au père à qui naissait un tel enfant, de le faire mourir. Cette loi se trouvait dans les anciens codes de Sparte et de Rome. Nous ne savons pas si elle existait à Athènes ; nous savons

  1. Aristote, Économ., II.
  2. Pollux, VIII, 40. Plutarque, Lysandre, 30.
  3. Athénée, X, 33. Élien, H. V., II, 37.
  4. Fragments des hist. grecs, coll. Didot, t. II, p. 129, 211. Plutarque, Solon, 21.
  5. Athénée, XIII. Plutarque, Cléomène, 9. — « Les Romains ne croyaient pas qu’on dût laisser à chacun la liberté de se marier, d’avoir des enfants, de choisir son genre de vie, de faire des festins, enfin de suivre ses désirs et ses goûts, sans subir une inspection et un jugement préalable. » Plutarque, Caton l’Ancien, 23.