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dans la terre ou dans l’eau. Ils n’avaient donc pas bravé la tempête pour la vaine formalité de recueillir et d’ensevelir leurs morts. Mais la foule qui, même à Athènes, restait attachée aux vieilles croyances, accusa ses généraux d’impiété et les fit mourir. Par leur victoire ils avaient sauvé Athènes ; mais par leur négligence ils avaient perdu des milliers d’âmes. Les parents des morts, pensant au long supplice que ces âmes allaient souffrir, étaient venus au tribunal en vêtements de deuil et avaient réclamé vengeance.

Dans les cités anciennes la loi frappait les grands coupables d’un châtiment réputé terrible, la privation de sépulture. On punissait ainsi l’âme elle-même, et on lui infligeait un supplice presque éternel.

Il faut observer qu’il s’est établi chez les anciens une autre opinion sur le séjour des morts. Ils se sont figuré une région, souterraine aussi, mais infiniment plus vaste que le tombeau, où toutes les âmes, loin de leur corps, vivaient rassemblées, et où des peines et des récompenses étaient distribuées suivant la conduite que l’homme avait menée pendant la vie. Mais les rites de la sépulture, tels que nous venons de les décrire, sont manifestement en désaccord avec ces croyances-là : preuve certaine qu’à l’époque où ces rites s’établirent, on ne croyait pas encore au Tartare et aux Champs-Élysées. L’opinion première de ces antiques générations fut que l’être humain vivait dans le tombeau, que l’âme ne se séparait pas du corps et qu’elle restait fixée à cette partie du sol où les ossements étaient enterrés. L’homme n’avait d’ailleurs aucun compte à rendre de sa vie antérieure. Une fois mis au tombeau, il n’avait à attendre ni récompenses ni supplices. Opinion grossière assurément, mais qui est l’enfance de la notion de la vie future.

L’être qui vivait sous la terre n’était pas assez dé-