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nous avons observé combien ces lois correspondaient exactement aux croyances des anciennes générations. Si l’on met ces lois en présence de l’équité naturelle, on les trouve souvent en contradiction avec elle, et il paraît assez évident que ce n’est pas dans la notion du droit absolu et dans le sentiment du juste qu’on est allé les chercher. Mais que l’on mette ces mêmes lois en regard du culte des morts et du foyer, qu’on les compare aux diverses prescriptions de cette religion primitive, et l’on reconnaîtra qu’elles sont avec tout cela dans un accord parfait.

L’homme n’a pas eu à étudier sa conscience et à dire : ceci est juste ; ceci ne l’est pas. Ce n’est pas ainsi qu’est né le droit antique. Mais l’homme croyait que le foyer sacré, en vertu de la loi religieuse, passait du père au fils ; il en est résulté que la maison a été un bien héréditaire. L’homme qui avait enseveli son père dans son champ, croyait que l’esprit du mort prenait à jamais possession de ce champ et réclamait de sa postérité un culte perpétuel ; il en est résulté que le champ, domaine du mort et lieu des sacrifices, est devenu la propriété inaliénable d’une famille. La religion disait : Le fils continue le culte, non la fille ; et la loi a dit avec la religion : Le fils hérite, la fille n’hérite pas ; le neveu par les mâles hérite, non pas le neveu par les femmes. Voilà comment la loi s’est faite ; elle s’est présentée d’elle-même et sans qu’on eût à la chercher. Elle était la conséquence directe et nécessaire de la croyance ; elle était la religion même s’appliquant aux relations des hommes entre eux.

Les anciens disaient que leurs lois leur étaient venues des dieux. Les Crétois attribuaient les leurs, non à, Minos, mais à Jupiter ; les Lacédémoniens croyaient que leur législateur n’était pas Lycurgue, mais Apollon. Les Romains disaient que Numa avait écrit sous la dictée d’une des divinités les plus