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même un ancien héros qu’elle honora d’un culte, et duquel elle vint à la longue à se croire issue.

Souvent encore il arriva que les hommes d’un certain pays vivaient sans lois et sans ordre, soit que l’organisation sociale n’eût pas réussi à s’établir, comme en Arcadie, soit qu’elle eût été corrompue et dissoute par des révolutions trop brusques, comme à Cyrène et à Thurii. Si un législateur entreprenait de mettre la règle parmi ces hommes, il ne manquait jamais de commencer par les répartir en tribus et en phratries, comme s’il n’y avait pas d’autre type de société que celui-là. Dans chacun de ces cadres il instituait un héros éponyme, il établissait des sacrifices, il inaugurait des traditions. C’était toujours par là que l’on commençait, si l’on voulait fonder une société régulière[1]. Ainsi fait Platon lui-même lorsqu’il imagine une cité modèle.


CHAPITRE IV.

La ville.

Cité et ville n’étaient pas des mots synonymes chez les anciens. La cité était l’association religieuse et politique des familles et des tribus ; la ville était le lieu de réunion, le domicile et surtout le sanctuaire de cette association.

Il ne faudrait pas nous faire des villes anciennes l’idée que nous donnent celles que nous voyons s’élever de nos jours. On bâtit quelques maisons, c’est un village ; insensiblement le nombre des maisons s’accroît, c’est une ville ; et nous finissons, s’il y a lieu, par l’entourer d’un fossé et d’une muraille. Une ville, chez les anciens, ne se formait pas à la longue, par le lent accroissement du nombre des hommes et

  1. Hérodote, IV, 161. Cf. Platon, Lois, V, 788 ; VI, 771.