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était constituée d’après les mêmes principes dans la Grèce et dans l’Inde ; ces principes étaient d’ailleurs, comme nous l’avons constaté plus haut, d’une nature si singulière, qu’il n’est pas à supposer que cette ressemblance fût l’effet du hasard ; enfin, non seulement ces institutions offrent une évidente analogie, mais encore les mots qui les désignent sont souvent les mêmes dans les différentes langues que cette race a parlées depuis le Gange jusqu’au Tibre. On peut tirer de là une double conclusion : l’une est que la naissance des institutions domestiques dans cette race est antérieure à l’époque où ses différentes branches se sont séparées ; l’autre est qu’au contraire la naissance des institutions politiques est postérieure à cette séparation. Les premières ont été fixées dès le temps où la race vivait encore dans son antique berceau de l’Asie centrale ; les secondes se sont formées peu à peu dans les diverses contrées où ses migrations l’ont conduite.

On peut donc entrevoir une longue période pendant laquelle les hommes n’ont connu aucune autre forme de société que la famille. C’est alors que s’est produite la religion domestique, qui n’aurait pas pu naître dans une société autrement constituée et qui a dû même être longtemps un obstacle au développement social. Alors aussi s’est établi l’ancien droit privé, qui plus tard s’est trouvé en désaccord avec les intérêts d’une société un peu étendue, mais qui était en parfaite harmonie avec l’état de société dans lequel il est né.

Plaçons-nous donc par la pensée au milieu de ces antiques générations dont le souvenir n’a pas pu périr tout à fait et qui ont légué leurs croyances et leurs lois aux générations suivantes. Chaque famille a sa religion, ses dieux, son sacerdoce. L’isolement religieux est sa loi ; son culte est secret. Dans la mort même ou dans l’existence qui la suit, les familles ne se mêlent pas ; chacune continue à vivre à