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L’antique morale, réglée par ces croyances, ignorait la charité ; mais elle enseignait du moins les vertus domestiques. L’isolement de la famille a été, chez cette race, le commencement de la morale. Là les devoirs ont apparu, clairs, précis, impérieux, mais resserrés dans un cercle restreint. Et il faudra nous rappeler, dans la suite de ce livre, ce caractère étroit de la morale primitive ; car la société civile, fondée plus tard sur les mêmes principes, a revêtu le même caractère, et plusieurs traits singuliers de l’ancienne politique s’expliqueront par là[1].


Chapitre X.

La gens à Rome et en Grèce

On trouve chez les jurisconsultes romains et les écrivains grecs les traces d’une antique institution qui paraît avoir été en grande vigueur dans le premier âge des sociétés grecque et italienne, mais qui, s’étant affaiblie peu à peu, n’a laissé que des vestiges à peine perceptibles dans la dernière partie de leur histoire. Nous voulons parler de ce que les latins appelaient gens et les grecs Υένος.

On a beaucoup discuté sur la nature et la constitution de la gens. Il ne sera peut-être pas inutile de dire d’abord ce qui fait la difficulté du problème.

La gens, comme nous le verrons plus loin, formait un corps dont la constitution était tout aristocratique ; c’est grâce à son organisation intérieure que les patriciens de Rome et les Eupatrides d’Athènes

  1. Est-il besoin d’avertir que nous avons essayé, dans ce chapitre, de saisir la plus ancienne morale des peuples qui sont devenus les Grecs et les Romains ? Est-il besoin d’ajouter que cette morale s’est modifiée ensuite avec le temps, surtout chez les Grecs ? Déjà dans l’Odyssée nous trouverons des sentiments nouveaux et d’autres mœurs ; la suite de ce livre le montrera.