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II. On a vu plus haut que la propriété n’avait pas été conçue, à l’origine, comme un droit individuel, mais comme un droit de famille. La fortune appartenait, comme dit formellement Platon et comme disent implicitement tous les anciens législateurs, aux ancêtres et aux descendants. Cette propriété, par sa nature même, ne se partageait pas. Il ne pouvait y avoir dans chaque famille qu’un propriétaire qui était la famille même, et qu’un usufruitier qui était le père. Ce principe explique plusieurs dispositions de l’ancien droit.

La propriété ne pouvant pas se partager et reposant tout entière sur la tête du père, ni la femme ni le fils n’en avaient la moindre part. Le régime dotal et même la communauté de biens étaient alors inconnus. La dot de la femme appartenait sans réserve au mari, qui exerçait sur les biens dotaux non seulement les droits d’un administrateur, mais ceux d’un propriétaire. Tout ce que la femme pouvait acquérir durant le mariage, tombait dans les mains du mari. Elle ne reprenait même pas sa dot en devenant veuve[1].

Le fils était dans les mêmes conditions que la femme il ne possédait rien. Aucune donation faite par lui n’était valable, par la raison qu’il n’avait rien à lui. Il ne pouvait rien acquérir ; les fruits de son travail, les bénéfices de son commerce étaient pour son père. Si un testament était fait en sa faveur par un étranger, c’était son père et non pas lui qui recevait le legs. Par là s’explique le texte du droit romain qui interdit tout contrat de vente entre le père et le fils. Si le père eût vendu au fils, il se fût vendu à lui-même, puisque le fils n’acquérait que pour le père[2].

  1. Gaius, II, 98. Toutes ces règles du droit primitif furent modifiées par le droit prétorien.
  2. Cicéron, De legib., II, 20. Gaius, II, 81. Digeste, liv. XVIII, tit. 1. 2.