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pas d’eux. Elle ne deviendra pas elle-même un ancêtre ; mise au tombeau, elle n’y recevra pas un culte spécial. Dans la mort comme dans la vie, elle ne compte que comme un membre de son époux.

Le droit grec, le droit romain, le droit hindou, qui dérivent de ces croyances religieuses, s’accordent à considérer la femme comme toujours mineure. Elle ne peut jamais avoir un foyer à elle ; elle n’est jamais chef de culte. À Rome, elle reçoit le titre de mater familias, mais elle le perd si son mari meurt[1]. N’ayant jamais un foyer qui lui appartienne, elle n’a rien de ce qui donne l’autorité dans la maison. Jamais elle ne commande ; elle n’est même jamais libre ni maîtresse d’elle-même. Elle est toujours près du foyer d’un autre, répétant la prière d’un autre ; pour tous les actes de la vie religieuse il lui faut un chef, et pour tous les actes de la vie civile un tuteur.

La loi de Manou dit : « La femme pendant son enfance dépend de son père ; pendant sa jeunesse, de son mari ; son mari mort, de ses fils ; si elle n’a pas de fils, des proches parents de son mari ; car une femme ne doit jamais se gouverner à sa guise[2]. » Les lois grecques et romaines disent la même chose. Fille, elle est soumise à son père ; le père mort, à ses frères ; mariée, elle est sous la tutelle du mari ; le mari mort, elle ne retourne pas dans sa propre famille, car elle a renoncé à elle pour toujours par le mariage sacré[3] ; la veuve reste soumise à la tutelle des agnats de son mari, c’est-à-dire de ses propres fils, s’il y en a, ou à défaut de fils, plus proches parents[4] Son mari a une telle autorité sur

  1. Festus, v. mater familiae.
  2. Lois de Manou, V, 147, 148.
  3. Elle n’y rentrait qu’en cas de divorce. Démosthène, in Eubulid., 41.
  4. Démosthène, in Steph., II ; in Aphob. Plutarque, Thémist., 32. Denis d’Halicarnasse, II, 25. Gaius, I, 149, 155. Aulu-Gelle, III, 2. Macrobe, I, 3.