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CH. VII. LE DROIT DE SUCCESSION.

de succession chez les anciens. La première est que, la religion domestique étant, comme nous l’avons vu, héréditaire de mâle en mâle, la propriété l’est aussi. Comme le fils est le continuateur naturel et obligé du culte, il hérite aussi des biens. Par là, la règle d’hérédité est trouvée ; elle n’est pas le résultat d’une simple convention faite entre les hommes ; elle dérive de leurs croyances, de leur religion, de ce qu’il y a de plus puissant sur leurs âmes. Ce qui fait que le fils hérite, ce n’est pas la volonté personnelle du père. Le père n’a pas besoin de faire un testament ; le fils hérite de son plein droit, ipso jure heres exsistit, dit le jurisconsulte. Il est même héritier nécessaire, heres necessarius[1]. Il n’a ni à accepter ni à refuser l’héritage. La continuation de la propriété, comme celle du culte, est pour lui une obligation autant qu’un droit. Qu’il le veuille ou ne le veuille pas, la succession lui incombe, quelle qu’elle puisse être, même avec ses charges et ses dettes. Le bénéfice d’inventaire et le bénéfice d’abstention ne sont pas admis pour le fils dans le droit grec et ne se sont introduits que fort tard dans le droit romain.

La langue juridique de Rome appelle le fils heres suus, comme si l’on disait heres sui ipsius. Il n’hérite en effet que de lui-même. Entre le père et lui il n’y a ni donation, ni legs, ni mutation de propriété. Il y a simplement continuation, morte parentis continuatur dominium. Déjà du vivant du père le fils était copropriétaire du champ et de la maison, vivo quoque patre dominus existimatur[2].

Pour se faire une idée vraie de l’hérédité chez les anciens, il ne faut pas se figurer une fortune qui passe

  1. Digeste, XXXVIII, 16, 14.
  2. Institutes, III, 1, 3 ; III, 9, 7 ; III, 19, 2.