Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
80
LIVRE II. LA FAMILLE.

terre ne produira plus de fruits ; la grêle, la rouille, les feux de la canicule détruiront ses moissons ; les membres du coupable se couvriront d’ulcères et tomberont de consomption[1]. »

Nous ne possédons pas le texte de la loi athénienne sur le même sujet ; il ne nous en est resté que trois mots qui signifient : « Ne dépasse pas la borne. » Mais Platon paraît compléter la pensée du législateur quand il dit : « Notre première loi doit être celle-ci : que personne ne touche à la borne qui sépare son champ de celui du voisin, car elle doit rester immobile… Que nul ne s’avise d’ébranler la petite pierre qui sépare l’amitié de l’inimitié et qu’on s’est engagé par serment à laisser à sa place[2]. »

De toutes ces croyances, de tous ces usages, de toutes ces lois, il résulte clairement que c’est la religion domestique qui a appris à l’homme à s’approprier la terre, et qui lui a assuré son droit sur elle.

On comprend sans peine que le droit de propriété, ayant été ainsi conçu et établi, ait été beaucoup plus complet et plus absolu dans ses effets qu’il ne peut l’être dans nos sociétés modernes, où il est fondé sur d’autres principes. La propriété était tellement inhérente à la religion domestique qu’une famille ne pouvait pas plus renoncer à l’une qu’à l’autre. La maison et le champ étaient comme incorporés à elle, et elle ne pouvait ni les perdre ni s’en dessaisir. Platon, dans son traité des lois, ne prétendait pas avancer une nouveauté quand il défendait au propriétaire de vendre son champ ; il ne faisait que rappeler une vieille loi. Tout porte à croire que dans les anciens temps la propriété était inaliénable.

  1. Script. rei agrar., édit. Goez, p. 258.
  2. Platon, Lois, VIII, p. 842.