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CH. VI. LE DROIT DE PROPRIÉTÉ.

côtés, de manière à l’enfermer au milieu d’une petite cour.

On voit bien la pensée qui a inspiré ce système de construction : les murs se sont élevés autour du foyer pour l’isoler et le défendre, et l’on peut dire, comme disaient les Grecs, que la religion a enseigné à bâtir une maison.

Dans cette maison la famille est maîtresse et propriétaire ; c’est sa divinité domestique qui lui assure son droit. La maison est consacrée par la présence perpétuelle des dieux ; elle est le temple qui les garde. « Qu’y a-t-il de plus sacré, dit Cicéron, que la demeure de chaque homme ? Là est l’autel ; là brille le feu sacré ; là sont les choses saintes et la religion[1]. » À pénétrer dans cette maison avec des intentions malveillantes il y avait sacrilége. Le domicile était inviolable. Suivant une tradition romaine, le dieu domestique repoussait le voleur et écartait l’ennemi[2].

Passons à un autre objet du culte, le tombeau, et nous verrons que les mêmes idées s’y attachaient. Le tombeau avait une grande importance dans la religion des anciens. Car d’une part on devait un culte aux ancêtres, et d’autre part la principale cérémonie de ce culte, c’est-à-dire le repas funèbre, devait être accomplie sur le lieu même où les ancêtres reposaient[3]. La famille avait donc un tombeau commun où ses membres devaient venir s’endormir l’un après l’autre. Pour ce tombeau la règle était la même que pour le foyer. Il n’était pas plus permis d’unir deux familles dans une

  1. Cic., Pro domo, 41.
  2. Ovide, Fast., V, 141.
  3. Telle était du moins la règle antique, puisque l’on croyait que le repas funèbre devait servir d’aliment aux morts. Voy. Euripide, Troyenn., 381.