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LIVRE II. LA FAMILLE.

Il est résulté de ces vieilles règles religieuses que la vie en communauté n’a jamais pu s’établir chez les anciens. Le phalanstère n’y a jamais été connu. Pythagore même n’a pas réussi à établir des institutions auxquelles la religion intime des hommes résistait. On ne trouve non plus, à aucune époque de la vie des anciens, rien qui ressemble à cette promiscuité du village qui était générale en France au douzième siècle. Chaque famille ayant ses dieux et son culte, a dû avoir aussi sa place particulière sur le sol, son domicile isolé, sa propriété.

Les Grecs disaient que le foyer avait enseigné à l’homme à bâtir des maisons[1]. En effet, l’homme qui était fixé par sa religion à une place qu’il ne croyait pas devoir jamais quitter, a dû songer bien vite à élever en cet endroit une construction solide. La tente convient à l’Arabe, le chariot au Tatare ; mais à une famille qui a un foyer domestique, il faut une demeure qui dure. À la cabane de terre ou de bois a bientôt succédé la maison de pierre. On n’a pas bâti seulement pour une vie d’homme, mais pour la famille dont les générations devaient se succéder dans la même demeure.

La maison était toujours placée dans l’enceinte sacrée. Chez les Grecs on partageait en deux le carré que formait cette enceinte ; la première partie était la cour ; la maison occupait la seconde partie. Le foyer, placé vers le milieu de l’enceinte totale, se trouvait ainsi au fond de la cour et près de l’entrée de la maison. À Rome la disposition était différente, mais le principe était le même. Le foyer restait placé au milieu de l’enceinte, mais les bâtiments s’élevaient autour de lui des quatre

  1. Diodore, V, 68.