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LIVRE II. LA FAMILLE.

D’autre part Scipion Sérapion a pour quatrième ancêtre L. Cornelius Scipio qui est aussi le quatrième ancêtre de Scipion Émilien. Ils sont donc parents entre eux ; chez les Hindous on les appellerait samanodacas. Dans la langue juridique et religieuse de Rome, ces trois Scipions sont agnats ; les deux premiers le sont entre eux au sixième degré, le troisième l’est avec eux au huitième.

Il n’en est pas de même de Tibérius Gracchus. Cet homme qui, d’après nos coutumes modernes, serait le plus proche parent de Scipion Émilien, n’était pas même son parent au degré le plus éloigné. Peu importe en effet pour Tibérius qu’il soit fils de Cornélie, la fille des Scipions ; ni lui ni Cornélie elle-même n’appartiennent à cette famille par la religion. Il n’a pas d’autres ancêtres que les Sempronius ; c’est à eux qu’il offre le repas funèbre ; en remontant la série de ses ascendants, il ne rencontrera jamais un Scipion. Scipion Émilien et Tibérius Gracchus ne sont donc pas agnats. Le lien du sang ne suffit pas pour établir cette parenté, il faut le lien du culte.

On comprend d’après cela pourquoi, aux yeux de la loi romaine, deux frères consanguins étaient agnats et deux frères utérins ne l’étaient pas. Qu’on ne dise même pas que la descendance par les mâles était le principe immuable sur lequel était fondée la parenté. Ce n’était pas à la naissance, c’était au culte seul que l’on reconnaissait les agnats. Le fils que l’émancipation avait détaché du culte, n’était plus agnat de son père. L’étranger qui avait été adopté, c’est-à-dire admis au culte, devenait l’agnat de l’adoptant et même de toute sa famille. Tant il est vrai que c’était la religion qui fixait la parenté.