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CH. V. LA PARENTÉ, L’AGNATION.

prouver que deux hommes sont parents, il montre qu’ils pratiquent le même culte et offrent le repas funèbre au même tombeau. C’était en effet la religion domestique qui constituait la parenté. Deux hommes pouvaient se dire parents, lorsqu’ils avaient les mêmes dieux, le même foyer, le même repas funèbre.

Or nous avons observé précédemment que le droit de faire les sacrifices au foyer ne se transmettait que de mâle en mâle et que le culte des morts ne s’adressait aussi qu’aux ascendants en ligne masculine. Il résultait de cette règle religieuse que l’on ne pouvait pas être parent par les femmes. Dans l’opinion de ces générations anciennes, la femme ne transmettait ni l’être ni le culte. Le fils tenait tout du père. On ne pouvait pas d’ailleurs appartenir à deux familles, invoquer deux foyers ; le fils n’avait donc d’autre religion ni d’autre famille que celle du père[1]. Comment aurait-il eu une famille maternelle ? Sa mère elle-même, le jour où les rites sacrés du mariage avaient été accomplis, avait renoncé d’une manière absolue à sa propre famille ; depuis ce temps, elle avait offert le repas funèbre aux ancêtres de l’époux, comme si elle était devenue leur fille, et elle ne l’avait plus offert à ses propres ancêtres, parce qu’elle n’était plus censée descendre d’eux. Elle n’avait conservé ni lien religieux ni lien de droit avec la famille où elle était née. À plus forte raison, son fils n’avait rien de commun avec cette famille.

Le principe de la parenté n’était pas la naissance ; c’était le culte. Cela se voit clairement dans l’Inde. Là, le chef de famille, deux fois par mois, offre le repas fu-

  1. Patris non matris familiam sequitur, Digeste, L, 16, 196.