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LIVRE II. LA FAMILLE.

fruit d’un mariage religieux. Le bâtard, l’enfant naturel, celui que les Grecs appelaient νόθος et les Latins spurius, ne pouvait pas remplir le rôle que la religion assignait au fils. En effet le lien du sang ne constituait pas à lui seul la famille, et il fallait encore le lien du culte. Or le fils né d’une femme qui n’avait pas été associée au culte de l’époux par la cérémonie du mariage, ne pouvait pas lui-même avoir part au culte[1]. Il n’avait pas le droit d’offrir le repas funèbre et la famille ne se perpétuait pas pour lui. Nous verrons plus loin que, pour la même raison, il n’avait pas droit à l’héritage.

Le mariage était donc obligatoire. Il n’avait pas pour but le plaisir ; son objet principal n’était pas l’union de deux êtres qui se convenaient et qui voulaient s’associer pour le bonheur et pour les peines de la vie. L’effet du mariage, aux yeux de la religion et des lois, était, en unissant deux êtres dans le même culte domestique, d’en faire naître un troisième qui fût apte à continuer ce culte. On le voit bien par la formule sacramentelle qui était prononcée dans l’acte du mariage : ducere uxorem liberûm quærendorum causâ, disaient les Romains ; παίδων ἐπ’ ἀρότῳ γνησίων, disaient les Grecs[2].

Le mariage n’ayant été contracté que pour perpétuer la famille, il semblait juste qu’il pût être rompu si la femme était stérile. Le divorce dans ce cas a toujours été un droit chez les anciens ; il est même possible qu’il ait été une obligation. Dans l’Inde, la religion prescrivait que « la femme stérile fût remplacée au bout de huit ans[3]. » Que le devoir fût le même en Grèce et à Rome, aucun texte

  1. Isée, VII. Démosth. contre Macartatos.
  2. Ménandre, fr. 185, éd. Didot. Alciphr., I, 16. Eschyle, Agam., 1166, éd. Hermann.
  3. Lois de Manou, IX, 81.