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CH. II. LE MARIAGE.

que la femme est entrée en partage de la religion du mari, cette femme que, suivant l’expression de Platon, les dieux eux-mêmes ont introduite dans la maison[1].

La femme ainsi mariée a encore le culte des morts ; mais ce n’est plus à ses propres ancêtres qu’elle porte le repas funèbre ; elle n’a plus ce droit. Le mariage l’a détachée complétement de la famille de son père, et a brisé tous les rapports religieux qu’elle avait avec elle. C’est aux ancêtres de son mari qu’elle porte l’offrande ; elle est de leur famille ; ils sont devenus ses ancêtres. Le mariage lui a fait une seconde naissance. Elle est dorénavant la fille de son mari, filiæ loco, disent les jurisconsultes. On ne peut appartenir ni à deux familles ni à deux religions domestiques ; la femme est tout entière dans la famille et la religion de son mari. On verra les conséquences de cette règle dans le droit de succession.

L’institution du mariage sacré doit être aussi vieille dans la race indo-européenne que la religion domestique ; car l’une ne va pas sans l’autre. Cette religion a appris à l’homme que l’union conjugale est autre chose qu’un rapport de sexes et une affection passagère, et elle a uni deux époux par le lien puissant du même culte et des mêmes croyances. La cérémonie des noces était d’ailleurs si solennelle et produisait de si graves effets qu’on ne doit pas être surpris que ces hommes ne l’aient crue permise et possible que pour une seule femme dans chaque maison. Une telle religion ne pouvait pas admettre la polygamie.

On conçoit même qu’une telle union fût indissoluble, et que le divorce fût impossible. Le droit romain permettait bien de dissoudre le mariage par coemptio ou par

  1. Platon, Lois, VIII, p. 841.