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CH. III. LE CHRISTIANISME.

la liberté individuelle était inconnue, où l’homme était asservi à l’État par son âme, par son corps, par ses biens ; où la haine était obligatoire contre l’étranger, où la notion du droit et du devoir, de la justice et de l’affection s’arrêtait aux limites de la cité ; où l’association humaine était nécessairement bornée dans une certaine circonférence autour d’un prytanée, et où l’on ne voyait pas la possibilité de fonder des sociétés plus grandes. Tels furent les traits caractéristiques de la société grecque et italienne pendant une période dont on peut évaluer l’étendue à quinze siècles.

Mais peu à peu, nous l’avons vu, la société se modifia. Des changements s’accomplirent dans le gouvernement et dans le droit, en même temps que dans les croyances. Déjà dans les cinq siècles qui précèdent le christianisme, l’alliance n’était plus aussi intime entre la religion d’une part, le droit et la politique de l’autre. Les efforts des classes opprimées, le renversement de la caste sacerdotale, le travail des philosophes, le progrès de la pensée avaient ébranlé les vieux principes de l’association humaine. On avait fait d’incessants efforts pour s’affranchir de l’empire de cette religion, à laquelle l’homme ne pouvait plus croire ; le droit et la politique s’étaient peu à peu dégagés de ses liens.

Mais cette espèce de divorce venait de l’effacement de l’ancienne religion ; si le droit et la politique commençaient à être quelque peu indépendants, c’est que les hommes cessaient d’avoir des croyances ; si la société n’était plus gouvernée par la religion, cela tenait uniquement à ce que la religion n’avait plus de force. Or il vint un jour où le sentiment religieux reprit vie et vigueur, et où, sous la forme chrétienne, la croyance

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