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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

la condition d’homme libre opposée à celle d’esclave. À partir de ce temps-là, tout ce qui faisait partie de l’empire romain, depuis l’Espagne jusqu’à l’Euphrate, forma véritablement un seul peuple et un seul État. La distinction des cités avait disparu ; celle des nations n’apparaissait encore que faiblement. Tous les habitants de cet immense empire étaient également romains. Le Gaulois abandonna son nom de Gaulois et prit avec empressement celui de Romain ; ainsi fit l’Espagnol ; ainsi fit l’habitant de la Thrace ou de la Syrie. Il n’y eut plus qu’un seul nom, qu’une seule patrie, qu’un seul gouvernement, qu’un seul droit.

On voit combien la cité romaine s’était développée d’âge en âge. À l’origine elle n’avait contenu que des patriciens et des clients ; ensuite la classe plébéienne y avait pénétré, puis les Latins, puis les Italiens ; enfin vinrent les provinciaux. La conquête n’avait pas suffi à opérer ce grand changement. Il avait fallu la lente transformation des idées, les concessions prudentes mais non interrompues des empereurs, et l’empressement des intérêts individuels. Alors toutes les cités disparurent peu à peu ; et la cité romaine, la dernière debout, se transforma elle-même si bien qu’elle devint la réunion d’une douzaine de grands peuples sous un maître unique. Ainsi tomba le régime municipal.

Il n’entre pas dans notre sujet de dire par quel système de gouvernement ce régime fut remplacé, ni de chercher si ce changement fut d’abord plus avantageux que funeste aux populations. Nous devons nous arrêter au moment où les vieilles formes sociales que l’antiquité avait établies furent effacées pour jamais.