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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

L’homme qui possédait le titre de citoyen romain, ne faisait plus partie civilement ni politiquement de sa ville natale. Il pouvait continuer à l’habiter, mais il y était réputé étranger ; il n’était plus soumis aux lois de la ville, n’obéissait plus à ses magistrats, n’en supportait plus les charges pécuniaires[1]. C’était la conséquence du vieux principe qui ne permettait pas qu’un même homme appartînt à deux cités à la fois[2]. Il arriva naturellement qu’après quelques générations il y eut dans chaque ville grecque un assez grand nombre d’hommes, et c’étaient ordinairement les plus riches, qui ne reconnaissaient ni le gouvernement ni le droit de cette ville. Le régime municipal périt ainsi lentement, et comme de mort naturelle. Il vint un jour où la cité fut un cadre qui ne renferma plus rien, où les lois locales ne s’appliquèrent presque plus à personne, où les juges municipaux n’eurent plus de justiciables.

Enfin, quand huit ou dix générations eurent soupiré après le droit de cité romaine, et que tout ce qui avait quelque valeur l’eut obtenu, alors parut un décret impérial qui l’accorda à tous les hommes libres sans distinction.

Ce qui est étrange ici, c’est qu’on ne peut dire avec certitude ni la date de ce décret ni le nom du prince qui l’a porté. On en fait honneur avec quelque vraisemblance à Caracalla, c’est-à-dire à un prince qui n’eut jamais de vues bien élevées ; aussi ne le lui attribue-t-on que comme une simple mesure fiscale. On ne rencontre guère

  1. Il devenait un étranger à l’égard de sa famille même, si elle n’avait pas comme lui le droit de cité. Il n’héritait pas d’elle. Pline, Panégyr., 37.
  2. Cic., pro Balbo, 28 ; pro Archia, 5 ; pro Cæcina, 36 ; Corn. Nepos, Atticus, 3. La Grèce avait depuis longtemps abandonné ce principe ; mais Rome s’y tenait fidèlement.