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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

il ne pouvait être légalement ni propriétaire ni héritier. Telle était la valeur du titre de citoyen romain que sans lui on était en dehors du droit, et que par lui on entrait dans la société régulière. Il arriva donc que ce titre devint l’objet des plus vifs désirs des hommes. Le Latin, l’Italien, le Grec, plus tard l’Espagnol et le Gaulois aspirèrent à être citoyens romains, seul moyen d’avoir des droits et de compter pour quelque chose. Tous, l’un après l’autre, à peu près dans l’ordre où ils étaient entrés dans l’empire de Rome, travaillèrent à entrer dans la cité romaine, et, après de longs efforts, y réussirent.

Cette lente introduction des peuples dans l’État romain est le dernier acte de la longue histoire de la transformation sociale des anciens. Pour observer ce grand événement dans toutes ses phases successives, il faut le voir commencer au quatrième siècle avant notre ère.

Le Latium avait été soumis ; des quarante petits peuples qui l’habitaient, Rome en avait exterminé la moitié, en avait dépouillé quelques-uns de leurs terres, et avait laissé aux autres le titre d’alliés. En 347, ceux-ci s’aperçurent que l’alliance était toute à leur détriment, qu’il leur fallait obéir en tout, et qu’ils étaient condamnés à prodiguer chaque année leur sang et leur argent pour le seul profit de Rome. Ils se coalisèrent ; leur chef Annius formula ainsi leurs réclamations dans le Sénat de Rome : « Qu’on nous donne l’égalité ; ayons mêmes lois ; ne formons avec vous qu’un seul État, una civitas ; n’ayons qu’un seul nom, et qu’on nous appelle tous également Romains. » Annius énonçait ainsi dès l’année 347 le vœu que tous les peuples de l’empire conçurent l’un après l’autre, et qui ne devait être complétement réa-