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LIVRE V. LE RÉGIME MUNICIPAL DISPARAÎT.

défaut de lois et de principes, soutenaient seuls la société.

Tel fut l’effet de la conquête romaine sur les peuples qui en devinrent successivement la proie. De la cité, tout tomba : la religion d’abord, puis le gouvernement, et enfin le droit privé ; toutes les institutions municipales, déjà ébranlées depuis longtemps, furent enfin déracinées et anéanties. Mais aucune société régulière, aucun système de gouvernement ne remplaça tout de suite ce qui disparaissait. Il y eut un temps d’arrêt entre le moment où les hommes virent le régime municipal se dissoudre, et celui où ils virent naître un autre mode de société. La nation ne succéda pas d’abord à la cité, car l’empire romain ne ressemblait en aucune manière à une nation. C’était une multitude confuse, où il n’y avait d’ordre vrai qu’en un point central, et où tout le reste n’avait qu’un ordre factice et transitoire, et ne l’avait même qu’au prix de l’obéissance. Les peuples soumis ne parvinrent à se constituer en un corps organisé qu’en conquérant, à leur tour, les droits et les institutions que Rome voulait garder pour elle ; il leur fallut pour cela entrer dans la cité romaine, s’y faire une place, s’y presser, la transformer elle aussi, afin de faire d’eux et de Rome un même corps. Ce fut une œuvre longue et difficile.

5o  Les peuples soumis entrent successivement dans la cité romaine.

On vient de voir combien la condition de sujet de Rome était déplorable, et combien le sort du citoyen devait être envié. La vanité n’avait pas seule à souffrir ; il y allait des intérêts les plus réels et les plus chers. Qui n’était pas citoyen romain n’était réputé ni mari ni père ;