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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

relations avec Rome que celles d’une alliée avec son alliée. Toutefois dans les termes du traité qui avait été rédigé au moment de la conquête, Rome avait inséré cette formule : majestatem populi romani comiter conservato[1]. Ces mots établissaient la dépendance de la cité alliée à l’égard de la cité maîtresse, et comme ils étaient très-vagues, il en résultait que la mesure de cette dépendance était toujours au gré du plus fort. Ces villes qu’on appelait libres, recevaient des ordres de Rome, obéissaient aux proconsuls, et payaient des impôts aux publicains ; leurs magistrats rendaient leurs comptes au gouverneur de la province, qui recevait aussi les appels de leurs juges[2]. Or telle était la nature du régime municipal chez les anciens qu’il lui fallait une indépendance complète ou qu’il cessait d’être. Entre le maintien des institutions de la cité et la subordination à un pouvoir étranger il y avait une contradiction, qui n’apparaît peut-être pas clairement aux yeux des modernes, mais qui devait frapper tous les hommes de cette époque. La liberté municipale et l’empire de Rome étaient inconciliables ; la première ne pouvait être qu’une apparence, qu’un mensonge, qu’un amusement bon à occuper les hommes. Chacune de ces villes envoyait, presque chaque année, une députation à Rome, et ses affaires les plus intimes et les plus minutieuses étaient réglées dans le Sénat. Elles avaient encore leurs magistrats municipaux, archontes et stratéges, librement élus par elles ; mais l’archonte n’avait plus d’autre attribution que d’inscrire son nom sur les registres publics pour marquer

  1. Cic., pro Balbo, 16.
  2. Tite-Live, XLV, 18. Cic., ad Att., VI, 1 ; VI, 2. Appien, Guerres civiles, I, 102. Tacite, XV, 45.