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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

Il résulta de là que dans toutes les cités l’aristocratie tourna les yeux vers Rome, compta sur elle, l’adopta pour protectrice, et s’enchaîna à sa fortune. Cela semblait d’autant plus permis que Rome n’était pour personne une ville étrangère : Sabins, Latins, Étrusques voyaient en elle une ville sabine, une ville latine, ou une ville étrusque, et les Grecs reconnaissaient en elle des Grecs.

Dès que Rome se montra à la Grèce (199 avant Jésus-Christ), l’aristocratie se livra à elle. Presque personne alors ne pensait qu’il y eût à choisir entre l’indépendance et la sujétion ; pour la plupart des hommes, la question n’était qu’entre l’aristocratie et le parti populaire. Dans toutes les villes, celui-ci était pour Philippe, pour Antiochus, ou pour Persée, celle-là pour Rome. On peut voir dans Polybe et dans Tite-Live que si, en 198, Argos ouvre ses portes aux Macédoniens, c’est que le peuple y domine ; que l’année suivante, c’est le parti des riches qui livre Opunte aux Romains ; que, chez les Acarnaniens, l’aristocratie fait un traité d’alliance avec Rome, mais que, l’année d’après, ce traité est rompu, parce que dans l’intervalle le peuple a repris l’avantage ; que Thèbes est dans l’alliance de Philippe, tant que le parti populaire y est le plus fort, et se rapproche de Rome aussitôt que l’aristocratie y devient maîtresse ; qu’à Athènes, à Démétriade, à Phocée, la populace est hostile aux Romains ; que Nabis, le tyran démocrate, leur fait la guerre ; que la ligue achéenne, tant qu’elle est gouvernée par l’aristocratie, leur est favorable ; que les hommes comme Philopémen et Polybe souhaitent l’indépendance nationale, mais aiment encore mieux la domination romaine que la démocratie ; que,