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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

des alliés dans toutes les villes du Péloponèse, et Sparte en avait dans toutes les villes ioniennes. Thucydide et Xénophon s’accordent à dire qu’il n’y avait pas une seule cité où le peuple ne fût favorable aux Athéniens et l’aristocratie aux Spartiates[1]. Cette guerre représente un effort général que font les Grecs pour établir partout une même constitution, avec l’hégémonie d’une ville ; mais les uns veulent l’aristocratie sous la protection de Sparte, les autres la démocratie avec l’appui d’Athènes. Il en fut de même au temps de Philippe : le parti aristocratique, dans toutes les villes, appela de ses vœux la domination de la Macédoine. Au temps de Philopémen, les rôles étaient intervertis, mais les sentiments restaient les mêmes ; le parti populaire acceptait l’empire de la Macédoine, et tout ce qui était pour l’aristocratie s’attachait à la ligue achéenne. Ainsi les vœux et les affections des hommes n’avaient plus pour objet la cité. Il y avait peu de Grecs qui ne fussent prêts à sacrifier l’indépendance municipale, pour avoir la constitution qu’ils préféraient.

Quant aux hommes honnêtes et scrupuleux, les dissensions perpétuelles dont ils étaient témoins, leur donnaient le dégoût du régime municipal. Ils ne pouvaient pas aimer une forme de société où il fallait se combattre tous les jours, où le pauvre et le riche étaient toujours en guerre, où ils voyaient alterner sans fin les violences populaires et les vengeances aristocratiques. Ils voulaient échapper à un régime qui, après avoir produit une véritable grandeur, n’enfantait plus que des souffrances et des haines. On commençait à sentir la néces-

  1. Thucydide, III, 47. Xénophon, Helléniques, VI, 3.