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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

naturelle le droit de mariage. Aussi l’historien Denys, qui consultait les textes et les hymnes anciens, assure-t-il que les Sabines furent mariées suivant les rites les plus solennels, ce que confirment Plutarque et Cicéron. Il est digne de remarque que le premier effort des Romains ait eu pour résultat de faire tomber les barrières que la religion municipale mettait entre eux et un peuple voisin. Il ne nous est pas parvenu de légende analogue relativement à l’Étrurie ; mais il paraît bien certain que Rome avait avec ce pays les mêmes relations qu’avec le Latium et la Sabine. Elle avait donc l’adresse de s’unir par le culte et par le sang à tout ce qui était autour d’elle. Elle tenait à avoir le connubium avec toutes les cités, et ce qui prouve qu’elle connaissait bien l’importance de ce lien, c’est qu’elle ne voulait pas que les autres cités, ses sujettes, l’eussent entre elles[1].

Rome entra ensuite dans la longue série de ses guerres. La première fut contre les Sabins de Tatius ; elle se termina par une alliance religieuse et politique entre les deux petits peuples. Elle fit ensuite la guerre à Albe ; les historiens disent que Rome osa attaquer cette ville, quoiqu’elle en fût une colonie. C’est précisément parce qu’elle en était une colonie, qu’elle jugea nécessaire de la détruire. Toute métropole en effet exerçait sur ses colonies une suprématie religieuse ; or la religion avait alors tant d’empire que, tant qu’Albe restait debout, Rome ne pouvait être qu’une cité dépendante, et que ses destinées étaient à jamais arrêtées.

Albe détruite, Rome ne se contenta pas de n’être plus une colonie ; elle prétendit s’élever au rang de métro-

  1. Tite-Live, IX, 43 ; XXIII, 4.