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CH. II. LA CONQUÊTE ROMAINE.

parentes ; elles devaient se regarder comme alliées, et s’entr’aider ; on ne connaissait pas, dans cette antiquité, d’autre union que celle que la religion établissait. Aussi Rome conservait-elle avec grand soin tout ce qui pouvait servir de témoignage de cette précieuse parenté avec les autres nations. Aux Latins, elle présentait ses traditions sur Romulus ; aux Sabins, sa légende de Tarpeia et de Tatius ; elle alléguait aux Grecs les vieux hymnes qu’elle possédait en l’honneur de la mère d’Évandre, hymnes qu’elle ne comprenait plus, mais qu’elle persistait à chanter. Elle gardait aussi avec la plus grande attention le souvenir d’Énée ; car, si par Évandre elle pouvait se dire parente des Péloponésiens[1], par Énée elle l’était de plus de trente villes[2] répandues en Italie, en Sicile, en Grèce, en Thrace et en Asie-Mineure, toutes ayant eu Énée pour fondateur ou étant colonies de villes fondées par lui, toutes ayant par conséquent un culte commun avec Rome. On peut voir dans les guerres qu’elle fit en Sicile contre Carthage, et en Grèce contre Philippe, quel parti elle tira de cette antique parenté.

La population romaine était donc un mélange de plusieurs races, son culte un assemblage de plusieurs cultes, son foyer national une association de plusieurs foyers. Elle était presque la seule cité que sa religion municipale n’isolât pas de toutes les autres. Elle touchait à toute l’Italie, à toute la Grèce. Il n’y avait presque aucun peuple qu’elle ne pût admettre à son foyer.

  1. Pausanias, VIII, 43. Strabon, V, 232.
  2. Servius, ad Æn., III, 12.