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LIVRE V. LE RÉGIME MUNICIPAL DISPARAÎT.

même. Diogène se vantait de n’avoir droit de cité nulle part, et Cratès disait que sa patrie à lui c’était le mépris de l’opinion des autres. Les cyniques ajoutaient cette vérité alors bien nouvelle, que l’homme est citoyen de l’univers et que la patrie n’est pas l’étroite enceinte d’une ville. Ils considéraient le patriotisme municipal comme un préjugé, et supprimaient du nombre des sentiments l’amour de la cité.

Par dégoût ou par dédain, les philosophes s’éloignaient de plus en plus des affaires publiques. Socrate avait encore rempli les devoirs du citoyen ; Platon avait essayé de travailler pour l’État en le réformant. Aristote, déjà plus indifférent, se borna au rôle d’observateur et fit de l’État un objet d’étude scientifique. Les épicuriens laissèrent de côté les affaires publiques ; « n’y mettez pas la main, disait Épicure, à moins que quelque puissance supérieure ne vous y contraigne. » Les cyniques ne voulaient même pas être citoyens.

Les stoïciens revinrent à la politique. Zénon, Cléanthe, Chrysippe écrivirent de nombreux traités sur le gouvernement des États. Mais leurs principes étaient fort éloignés de la vieille politique municipale. Voici en quels termes un ancien nous renseigne sur les doctrines que contenaient leurs écrits. « Zénon, dans son traité sur le gouvernement, s’est proposé de nous montrer que nous ne sommes pas les habitants de tel dème ou de telle ville, séparés les uns des autres par un droit particulier et des lois exclusives, mais que nous devons voir dans tous les hommes des concitoyens, comme si nous appartenions tous au même dème et à la même cité[1]. » On voit par là

  1. Pseudo-Plutarque, fortune d’Alexandre, 1.