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CH. I. NOUVELLES CROYANCES ; LA PHILOSOPHIE.

grands sanctuaires, comme ceux de Delphes et de Délos, attiraient les hommes et leur faisaient oublier les cultes locaux. Les Mystères et la doctrine qu’ils contenaient, les habituaient à dédaigner la religion vide et insignifiante de la cité.

Ainsi une révolution intellectuelle s’opéra lentement et obscurément. Les prêtres mêmes ne lui opposaient pas de résistance ; car dès que les sacrifices continuaient à être accomplis aux jours marqués, il leur semblait que l’ancienne religion était sauve ; les idées pouvaient changer et la foi périr, pourvu que les rites ne reçussent aucune atteinte. Il arriva donc que, sans que les pratiques fussent modifiées, les croyances se transformèrent, et que la religion domestique et municipale perdit tout empire sur les âmes.

Puis la philosophie parut, et elle renversa toutes les règles de la vieille politique. Il était impossible de toucher aux opinions des hommes sans toucher aussi aux principes fondamentaux de leur gouvernement. Pythagore, ayant la conception vague de l’Être suprême, dédaigna les cultes locaux, et c’en fut assez pour qu’il rejetât les vieux modes de gouvernement et essayât de fonder une société nouvelle.

Anaxagore comprit le Dieu-Intelligence qui règne sur tous les hommes et sur tous les êtres. En s’écartant des croyances anciennes, il s’éloigna aussi de l’ancienne politique. Comme il ne croyait pas aux dieux du prytanée, il ne remplissait pas non plus tous ses devoirs de citoyen ; il fuyait les assemblées et ne voulait pas être magistrat. Sa doctrine portait atteinte à la cité ; les Athéniens le frappèrent d’une sentence de mort.

Les Sophistes vinrent ensuite et ils exercèrent plus

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