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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

et le peuple de Sparte, satisfait d’avoir obtenu des terres, paraissait se soucier fort peu des libertés politiques. Cette situation ne dura pas longtemps. Cléomène voulut étendre le régime démocratique à tout le Péloponèse, où Aratus, précisément à cette époque, travaillait à établir un régime de liberté et de sage aristocratie. Dans toutes les villes, le parti populaire s’agita au nom de Cléomène, espérant obtenir, comme à Sparte, une abolition des dettes et un partage des terres. C’est cette insurrection imprévue des basses classes qui obligea Aratus à changer tous ses plans ; il crut pouvoir compter sur la Macédoine, dont le roi Antigone Doson avait alors pour politique de combattre partout les tyrans et le parti populaire, et il l’introduisit dans le Péloponèse. Antigone et les Achéens vainquirent Cléomène à Sellasie. La démocratie spartiate fut encore une fois abattue, et les Macédoniens rétablirent l’ancien gouvernement[1] (222 ans avant Jésus-Christ).

Mais l’oligarchie ne pouvait plus se soutenir. Il y eut de longs troubles ; une année, trois éphores qui étaient favorables au parti populaire, massacrèrent leurs deux collègues ; l’année suivante, les cinq éphores appartenaient au parti oligarchique ; le peuple prit les armes et les égorgea tous. L’oligarchie ne voulait pas de rois ; le peuple voulut en avoir ; on en nomma un, et on le choisit en dehors de la famille royale, ce qui ne s’était jamais vu à Sparte. Ce roi nommé Lycurgue fut deux fois renversé du trône, une première fois par le peuple, parce qu’il refusait de partager les terres, une seconde fois par l’aristocratie, parce qu’on le soupçonnait de vouloir

  1. Polybe, II, 40-70.