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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

dustrie ni commerce pour donner au pauvre quelque travail, et que les riches faisaient cultiver leurs immenses domaines par des esclaves. D’une part étaient quelques hommes qui avaient tout, de l’autre le très-grand nombre qui n’avait absolument rien. Plutarque nous présente, dans la vie d’Agis et dans celle de Cléomène, un tableau de la société spartiate ; on y voit un amour effréné de la richesse, tout mis au-dessous d’elle ; chez quelques-uns le luxe, la mollesse, le désir d’augmenter sans fin leur fortune ; hors de là, rien qu’une tourbe misérable, indigente, sans droits politiques, sans aucune valeur dans la cité, envieuse, haineuse, et qu’un tel état social condamnait à désirer une révolution.

Quand l’oligarchie eut ainsi poussé les choses aux dernières limites du possible, il fallut bien que la révolution s’accomplît, et que la démocratie, arrêtée et contenue si longtemps, brisât à la fin ses digues. On devine bien aussi qu’après une si longue compression la démocratie ne devait pas s’arrêter à des réformes politiques, mais qu’elle devait arriver du premier coup aux réformes sociales.

Le petit nombre des Spartiates de naissance (ils n’étaient plus, en y comprenant toutes les classes diverses que sept cents), et l’affaissement des caractères, suite d’une longue oppression, furent cause que le signal des changements ne vint pas des classes inférieures. Il vint d’un roi. Agis essaya d’accomplir cette inévitable révolution par des moyens légaux : ce qui augmenta pour lui les difficultés de l’entreprise. Il présenta au Sénat, c’est-à-dire aux riches eux-mêmes, deux projets de loi pour l’abolition des dettes et le partage des terres. Il n’y a pas lieu d’être trop surpris que le Sénat n’ait pas rejeté