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CH. XIII. RÉVOLUTIONS DE SPARTE.

Quoi qu’il en soit, ces Égaux avaient seuls les droits du citoyen ; seuls ils composaient l’assemblée ; ils formaient seuls ce qu’on appelait à Sparte le peuple. De cette classe sortaient par voie d’élection les sénateurs, à qui la constitution donnait une bien grande autorité, puisque Démosthènes dit que le jour où un homme entre au Sénat, il devient un despote pour la foule[1]. Ce Sénat, dont les rois étaient de simples membres, gouvernait l’État suivant le procédé habituel des corps aristocratiques : il tirait de son sein des magistrats annuels, nommés éphores, qui exerçaient en son nom une autorité absolue. Sparte avait ainsi un régime républicain : elle avait même tous les dehors de la démocratie, des rois-prêtres, des magistrats annuels, un Sénat délibérant, une assemblée du peuple. Mais ce peuple n’était que la réunion de deux ou trois centaines d’hommes.

Tel fut depuis Lycurgue, et surtout depuis l’établissement des éphores, le gouvernement de Sparte. Une aristocratie, composée de quelques riches, faisait peser un joug de fer sur les Hilotes, sur les Laconiens, et même sur le plus grand nombre des Spartiates. Par son énergie, par son habileté, par son peu de scrupule et son peu de souci des lois morales, elle sut garder le pouvoir pendant cinq siècles. Mais elle suscita de cruelles haines et eut à réprimer un grand nombre d’insurrections.

Nous n’avons pas à parler des complots des Hilotes ; tous ceux des Spartiates ne nous sont pas connus ; le gouvernement était trop habile pour ne pas en étouffer jusqu’au souvenir. Il en est pourtant quelques-uns que l’histoire n’a pas pu oublier. On sait que les colons qui

  1. Démosth., in Leptin., 107. Xénophon, Gouv. de Lacéd., 10.