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CH. XIII. RÉVOLUTIONS DE SPARTE.

Les déclamations de quelques anciens et de beaucoup de modernes sur la sagesse des institutions de Sparte, sur le bonheur inaltérable dont on y jouissait, sur l’égalité, sur la vie en commun, ne doivent pas nous faire illusion. De toutes les villes qu’il y a eu sur la terre, Sparte est peut-être celle où l’aristocratie a régné le plus durement et où l’on a le moins connu l’égalité. Il ne faut pas parler du partage des terres ; si ce partage a jamais eu lieu, du moins il est bien sûr qu’il n’a pas été maintenu. Car au temps d’Aristote, « les uns possédaient des domaines immenses, les autres n’avaient rien ou presque rien ; on comptait à peine dans toute la Laconie un millier de propriétaires[1]. »

Laissons de côté les Hilotes et les Laconiens, et n’examinons que la société spartiate : nous y trouvons une hiérarchie de classes superposées l’une à l’autre. Ce sont d’abord les Néodamodes, qui paraissent être d’anciens esclaves affranchis[2] ; puis les Épeunactes, qui avaient été admis à combler les vides faits par la guerre parmi les Spartiates[3] ; à un rang un peu supérieur figuraient les Mothaces, qui, assez semblables à des clients domestiques, vivaient avec le maître, lui faisaient cortége, partageaient ses occupations, ses travaux, ses fêtes, et combattaient à côté de lui[4]. Venait ensuite la classe des bâtards, qui descendaient des vrais Spartiates, mais que la religion et la loi éloignaient d’eux[5] ; puis, encore une classe, qu’on appelait les inférieurs, ὑπομείονες[6], et qui étaient probablement les cadets déshérités des fa-

  1. Aristote, Pol., II, 6, 10 et 11.
  2. Myron de Priène, dans Athénée, VI.
  3. Théopompe, dans Athénée, VI.
  4. Athénée, VI, 102. Plutarque, Cléom., 8. Élien, XII, 43.
  5. Aristote, Pol., VIII, 6 (V, 6). Xénophon, Hell., V, 3, 9.
  6. Xénophon, Hellén., III, 3, 6.