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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

soins. Mais les révolutions, qui avaient dissous le γένος, avaient aussi changé les conditions de la vie humaine. Le jour où l’homme s’était affranchi des liens de la clientèle, il avait vu se dresser devant lui les nécessités et les difficultés de l’existence. La vie était devenue plus indépendante, mais aussi plus laborieuse et sujette à plus d’accidents. Chacun avait eu désormais le soin de son bien-être, chacun sa jouissance et sa tâche. L’un s’était enrichi par son activité ou sa bonne fortune, l’autre était resté pauvre. L’inégalité de richesse est inévitable dans toute société qui ne veut pas rester dans l’état patriarcal ou dans l’état de tribu.

La démocratie ne supprima pas la misère ; elle la rendit au contraire plus sensible. L’égalité des droits politiques fit ressortir encore davantage l’inégalité des conditions.

Comme il n’y avait aucune autorité qui s’élevât au-dessus des riches et des pauvres à la fois, et qui pût les contraindre à rester en paix, il eût été à souhaiter que les principes économiques et les conditions du travail fussent tels que les deux classes fussent forcées de vivre en bonne intelligence. Il eût fallu, par exemple, qu’elles eussent besoin l’une de l’autre, que le riche ne pût s’enrichir qu’en demandant au pauvre son travail, et que le pauvre trouvât les moyens de vivre en donnant son travail au riche. Alors l’inégalité des fortunes eût stimulé l’activité et l’intelligence de l’homme ; elle n’eût pas enfanté la corruption et la guerre civile.

Mais beaucoup de cités manquaient absolument d’industrie et de commerce ; elles n’avaient donc pas la ressource d’augmenter la somme de la richesse publique, afin d’en donner quelque part au pauvre sans dépouiller