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CH. X. ÉTABLISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE.

Il y eut ainsi dans presque toutes les cités dont l’histoire nous est connue, une période pendant laquelle la classe riche ou tout au moins la classe aisée fut en possession du gouvernement. Ce régime politique eut ses mérites, comme tout régime peut avoir les siens, quand il est conforme aux mœurs de l’époque et que les croyances ne lui sont pas contraires. La noblesse sacerdotale de l’époque précédente avait assurément rendu de grands services ; car c’était elle qui pour la première fois avait établi des lois et fondé des gouvernements réguliers. Elle avait fait vivre avec calme et dignité, pendant plusieurs siècles, les sociétés humaines. L’aristocratie de richesse eut un autre mérite : elle imprima à la société et à l’intelligence une impulsion nouvelle. Issue du travail sous toutes ses formes, elle l’honora et le stimula. Ce nouveau régime donnait le plus de valeur politique à l’homme le plus laborieux, le plus actif ou le plus habile ; il était donc favorable au développement de l’industrie et du commerce ; il l’était aussi au progrès intellectuel ; car l’acquisition de cette richesse, qui se gagnait ou se perdait, d’ordinaire, suivant le mérite de chacun, faisait de l’instruction le premier besoin et de l’intelligence le plus puissant ressort des affaires humaines. Il n’y a donc pas à être surpris que sous ce régime la Grèce et Rome aient élargi les limites de leur culture intellectuelle et poussé plus avant leur civilisation.

    Athènes avait 13 000 hoplites ; si l’on y ajoute les chevaliers, qu’Aristophane (dans les Guêpes) porte à un millier environ, on arrive au chiffre de 14 000 soldats. Or Plutarque nous dit qu’à la même époque le nombre des citoyens était de 14 000. C’est donc que les prolétaires, qui n’avaient pas le droit de servir parmi les hoplites, n’étaient pas non plus comptés parmi les citoyens. La constitution d’Athènes, en 430, n’était donc pas encore tout à fait démocratique.