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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

l’Attique[1]. Les archontes étaient désignés par le sort, c’est-à-dire par la voix des dieux ; il en fut autrement des stratéges. Comme le gouvernement devenait plus difficile et plus compliqué, que la piété n’était plus la qualité principale, et qu’il fallait l’habilité, la prudence, le courage, l’art de commander, on ne croyait plus que la voix du sort fût suffisante pour faire un bon magistrat. La cité ne voulait plus être liée par la prétendue volonté des dieux, et elle tenait à avoir le libre choix de ses chefs. Que l’archonte, qui était un prêtre, fût désigné par les dieux, cela était naturel ; mais le stratége, qui avait dans ses mains les intérêts matériels de la cité, devait être élu par les hommes.

Si l’on observe de près les institutions de Rome, on reconnaît que des changements du même genre s’y opérèrent. D’une part, les tribuns de la plèbe augmentèrent à tel point leur importance que la direction de la république, au moins en ce qui concernait les affaires intérieures, finit par leur appartenir. Or ces tribuns, qui n’avaient par le caractère sacerdotal, ressemblent assez aux stratéges. D’autre part, le consulat lui-même ne put subsister qu’en changeant de nature. Ce qu’il y avait de sacerdotal en lui s’effaça peu à peu. Il est bien vrai que le respect des Romains pour les traditions et les formes du passé exigea que le consul continuât à accomplir les cérémonies religieuses instituées par les ancêtres. Mais on comprend bien que le jour où les plébéiens furent consuls, ces cérémonies n’étaient plus que de vaines formalités. Le consulat fut de moins en moins un sacerdoce et de plus en plus un commandement. Cette transforma-

  1. Dinarque, I, 171 (coll. Didot).