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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

ment de deux manières, par achat ou par usage ; il en est de même de la propriété fictive de la femme. L’usage ici, c’est la cohabitation d’une année ; elle établit entre les époux les mêmes liens de droit que l’achat et que la cérémonie religieuse. Il n’est sans doute pas besoin d’ajouter qu’il fallait que la cohabitation eût été précédée du mariage, au moins du mariage plébéien, qui s’effectuait par consentement et affection des parties. Ni la coemptio ni l’usus ne créaient l’union morale entre les époux ; ils ne venaient qu’après le mariage et n’établissaient qu’un lien de droit. Ce n’étaient pas, comme on l’a trop souvent répété, des modes de mariage ; c’étaient seulement des moyens d’acquérir la puissance maritale et paternelle[1].

Mais la puissance maritale des temps antiques avait des conséquences qui, à l’époque de l’histoire où nous sommes arrivés, commençaient à paraître excessives. Nous avons vu que la femme était soumise sans réserve au mari, et que le droit de celui-ci allait jusqu’à pouvoir l’aliéner et la vendre[2]. À un autre point de vue, la puissance maritale produisait encore des effets que le bon sens du plébéien avait peine à comprendre ; ainsi la femme placée dans la main de son mari, était séparée d’une manière absolue de sa famille paternelle, n’en héritait pas, et ne conservait avec elle aucun lien ni aucune parenté aux yeux de la loi. Cela était bon dans le droit primitif, quand la religion défendait que la même

  1. Gaius, I, 111 : quæ anno continuo nupta perseverabat. La coemptio était si peu un mode de mariage que la femme pouvait la contracter avec un autre que son mari, par exemple avec un tuteur.
  2. Gaius, I, 117, 118. Que cette mancipation ne fût que fictive au temps de Gaius, c’est ce qui est hors de doute ; mais elle put être réelle à l’origine. Il n’en était pas d’ailleurs du mariage par simple consensus comme du mariage sacré, qui établissait entre les époux un lien indissoluble.