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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Ainsi le droit changea de nature. Dès lors il ne pouvait plus contenir les mêmes prescriptions que dans l’époque précédente. Tant que la religion avait eu l’empire sur lui, il avait réglé les relations des hommes entre eux d’après les principes de cette religion. Mais la classe inférieure, qui apportait dans la cité d’autres principes, ne comprenait rien ni aux vieilles règles du droit de propriété, ni à l’ancien droit de succession, ni à l’autorité absolue du père, ni à la parenté d’agnation. Elle voulait que tout cela disparût.

À la vérité, cette transformation du droit ne put pas s’accomplir d’un seul coup. S’il est quelquefois possible à l’homme de changer brusquement ses institutions politiques, il ne peut changer ses lois et son droit privé qu’avec lenteur et par degrés. C’est ce que prouve l’histoire du droit romain comme celle du droit athénien.

Les Douze-Tables, comme nous l’avons vu plus haut, ont été écrites au milieu d’une transformation sociale ; ce sont des patriciens qui les ont faites, mais ils les ont faites sur la demande de la plèbe et pour son usage. Cette législation n’est donc plus le droit primitif de Rome ; elle n’est pas encore le droit prétorien ; elle est une transition entre les deux.

Voici d’abord les points sur lesquels elle ne s’éloigne pas encore du droit antique :

Elle maintient la puissance du père ; elle le laisse juger son fils, le condamner à mort, le vendre. Du vivant du père, le fils n’est jamais majeur.

Pour ce qui est des successions, elle garde aussi les règles anciennes ; l’héritage passe aux agnats, et à défaut d’agnats, aux gentiles. Quant aux cognats, c’est-à-dire aux parents par les femmes, la loi ne les connaît