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CH. VIII. CHANGEMENTS DANS LE DROIT PRIVÉ.

révélation faite par les dieux aux ancêtres, au divin fondateur, aux rois sacrés, aux magistrats-prêtres. Dans les codes nouveaux, au contraire, ce n’est plus au nom des dieux que le législateur parle ; les Décemvirs de Rome ont reçu leur pouvoir du peuple ; c’est aussi le peuple qui a investi Solon du droit de faire des lois. Le législateur ne représente donc plus la tradition religieuse, mais la volonté populaire. La loi a dorénavant pour principe l’intérêt des hommes, et pour fondement l’assentiment du plus grand nombre.

De là deux conséquences. D’abord, la loi ne se présente plus comme une formule immuable et indiscutable. En devenant œuvre humaine, elle se reconnaît sujette au changement. Les Douze-Tables le disent : « Ce que les suffrages du peuple ont ordonné en dernier lieu, c’est la loi[1]. » De tous les textes qui nous restent de ce code, il n’en est pas un qui ait plus d’importance que celui-là, ni qui marque mieux le caractère de la révolution qui s’opéra alors dans le droit. La loi n’est plus une tradition sainte, mos ; elle est un simple texte, lex, et comme c’est la volonté des hommes qui l’a faite, cette même volonté peut la changer.

L’autre conséquence est celle-ci. La loi, qui auparavant était une partie de la religion et était par conséquent le patrimoine des familles sacrées, fut dorénavant la propriété commune de tous les citoyens. Le plébéien put l’invoquer et agir en justice. Tout au plus le patricien de Rome, plus tenace ou plus rusé que l’eupatride d’Athènes, essaya-t-il de cacher à la foule les formes de la procédure ; ces formes mêmes ne tardèrent pas à être divulguées.

  1. Tite-Live, VII, 17 ; IX, 33, 34.

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