Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

toyen on avait le droit d’accomplir les cérémonies du culte de la cité ; elle arrivait à cette conséquence qu’un plébéien pouvait être pontife.

Si les sacerdoces avaient été distincts des commandements et de la politique, il est possible que les plébéiens ne les eussent pas aussi ardemment convoités. Mais toutes ces choses étaient confondues : le prêtre était un magistrat ; le pontife était un juge, l’augure pouvait dissoudre les assemblées publiques. La plèbe ne manqua pas de s’apercevoir que sans les sacerdoces elle n’avait réellement ni l’égalité civile ni l’égalité politique. Elle réclama donc le partage du pontificat entre les deux ordres, comme elle avait réclamé le partage du consulat.

Il devenait difficile de lui objecter son incapacité religieuse ; car depuis soixante ans on voyait le plébéien, comme consul, accomplir les sacrifices ; comme censeur, il faisait la lustration ; vainqueur de l’ennemi, il remplissait les saintes formalités du triomphe. Par les magistratures, la plèbe s’était déjà emparée d’une partie des sacerdoces ; il n’était pas facile de sauver le reste. La foi au principe de l’hérédité religieuse était ébranlée chez les patriciens eux-mêmes. Quelques-uns d’entre eux invoquèrent en vain les vieilles règles, et dirent : « Le culte va être altéré, souillé par des mains indignes ; vous vous attaquez aux dieux mêmes ; prenez garde que leur colère ne se fasse sentir à notre ville[1]. » Il ne semble pas que ces arguments aient eu beaucoup de force sur la plèbe, ni même que la majorité du patriciat s’en soit émue. Les mœurs nouvelles donnaient gain de cause au principe plébéien. Il fut donc décidé que la

  1. Tite-Live, X, 5, 7.