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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

tocratie qui s’était unie à eux par les liens les plus étroits.

Il paraît que Licinius et Sextius, qui s’était joint à lui, ne comptaient pas que la plèbe fît de grands efforts pour leur donner le droit d’être consuls. Car ils crurent devoir proposer trois lois en même temps. Celle qui avait pour objet d’établir qu’un des consuls serait forcément choisi dans la plèbe, était précédée de deux autres, dont l’une diminuait les dettes et l’autre accordait des terres au peuple. Il est évident que les deux premières devaient servir à échauffer le zèle de la plèbe en faveur de la troisième. Il y eut un moment où la plèbe fut trop clairvoyante : elle prit dans les propositions de Licinius ce qui était pour elle, c’est-à-dire la réduction des dettes et la distribution de terres, et laissa de côté le consulat. Mais Licinius répliqua que les trois lois étaient inséparables, et qu’il fallait les accepter ou les rejeter ensemble. La constitution romaine autorisait ce procédé. On pense bien que la plèbe aima mieux tout accepter que tout perdre. Mais il ne suffisait pas que la plèbe voulût faire des lois ; il fallait encore à cette époque que le Sénat convoquât les grands comices et qu’ensuite il confirmât le décret[1]. Il s’y refusa pendant dix ans. À la fin se place un événement que Tite-Live laisse trop dans l’ombre[2] ; il paraît que la plèbe prit les armes et que la guerre civile ensanglanta les rues de Rome. Le patriciat vaincu donna un sénatus-consulte par lequel il approuvait et confirmait à l’avance tous les décrets que le peuple porterait cette année-là. Rien n’empêcha plus les tribuns de faire voter leurs trois lois. À partir de ce moment, la

  1. Tite-Live, IV, 49.
  2. Tite-Live, VI, 42.