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CH. III. LE FEU SACRÉ.

et de ces pratiques que de les trouver à la fois chez les hommes des bords de la Méditerranée et chez ceux de la presqu’île indienne. Assurément les Grecs n’ont pas emprunté cette religion aux Hindous, ni les Hindous aux Grecs. Mais les Grecs, les Italiens, les Hindous appartenaient à une même race ; leurs ancêtres, à une époque fort reculée, avaient vécu ensemble dans l’Asie centrale. C’est là qu’ils avaient conçu d’abord ces croyances et établi ces rites. La religion du feu sacré date donc de l’époque lointaine et mystérieuse où il n’y avait encore ni Grecs, ni Italiens, ni Hindous, et où il n’y avait que des Aryas. Quand les tribus s’étaient séparées les unes des autres, elles avaient transporté ce culte avec elles, les unes sur les rives du Gange, les autres sur les bords de la Méditerranée. Plus tard parmi ces tribus séparées et qui n’avaient plus de relations entre elles, les unes ont adoré Brahma, les autres Zeus, les autres Janus ; chaque groupe s’est fait ses dieux. Mais tous ont conservé comme un legs antique la religion première qu’ils avaient conçue et pratiquée au berceau commun de leur race.

Si l’existence de ce culte chez tous les peuples indo-européens n’en démontrait pas suffisamment la haute antiquité, on en trouverait d’autres preuves dans les rites religieux des Grecs et des Romains. Dans tous les sacrifices, même dans ceux qu’on faisait en l’honneur de Zeus ou d’Athéné, c’était toujours au foyer qu’on adressait la première invocation. Toute prière à un dieu, quel qu’il fût, devait commencer et finir par une prière au foyer[1]. À Olympie, le premier sacrifice qu’offrait la Grèce

  1. Hymnes hom., 29 ; Ibid., 3, v. 33. Platon, Cratyle, 18. Hesychius, ἀφ’ ἑστίας. Diodore, VI, 2. Aristoph., Oiseaux, 865.