Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374
LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

richesse, les armes, la religion. La plèbe ne se confondait pas avec le patriciat, mais elle grandissait à côté de lui.

Il est vrai que le patriciat prit sa revanche. Il commença par égorger Servius ; plus tard il chassa Tarquin. Avec la royauté la plèbe fut vaincue.

Les patriciens s’efforcèrent de lui reprendre toutes les conquêtes qu’elle avait faites sous les rois. Un de leurs premiers actes fut d’enlever aux plébéiens les terres que Servius leur avait données ; et l’on peut remarquer que le seul motif allégué pour les dépouiller ainsi, fut qu’ils étaient plébéiens[1]. Le patriciat remettait donc en vigueur le vieux principe qui voulait que la religion héréditaire fondât seule le droit de propriété, et qui ne permettait pas que l’homme sans religion et sans ancêtres pût exercer aucun droit sur le sol.

Les lois que Servius avait faites pour la plèbe lui furent aussi retirées. Si le système des classes et l’assemblée centuriate ne furent pas abolis, c’est d’abord parce que l’état de guerre ne permettait pas de désorganiser l’armée, c’est ensuite parce que l’on sut entourer ces comices de formalités telles que le patriciat fût toujours le maître des élections. On n’osa pas enlever aux plébéiens le titre de citoyens ; on les laissa figurer dans le cens. Mais il est clair que le patriciat, en permettant à la plèbe de faire partie de la cité, ne partagea avec elle ni les droits politiques, ni la religion, ni les lois. De nom, la plèbe resta dans la cité ; de fait, elle en fut exclue.

N’accusons pas plus que de raison les patriciens, et ne supposons pas qu’ils aient froidement conçu le dessein

  1. Cassius Hémina, dans Nonius, liv. II, vo plevitas.