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CH. VII. LA PLÈBE ENTRE DANS LA CITÉ.

D’autres éléments encore entraient dans la composition de cette classe. Beaucoup d’étrangers affluaient à Rome, comme en un lieu que sa situation rendait propre au commerce. Les mécontents de la Sabine, de l’Étrurie, du Latium y trouvaient un refuge. Tout cela entrait dans la plèbe. Le client qui réussissait à s’échapper de la gens, devenait un plébéien. Le patricien qui se mésalliait ou qui commettait une de ces fautes qui entraînaient la déchéance, tombait dans la classe inférieure. Tout bâtard était repoussé par la religion des familles pures, et relégué dans la plèbe.

Pour toutes ces raisons, la plèbe augmentait en nombre. La lutte qui était engagée entre les patriciens et les rois, accrut son importance. La royauté et la plèbe sentirent de bonne heure qu’elles avaient les mêmes ennemis. L’ambition des rois était de se dégager des vieux principes de gouvernement qui entravaient l’exercice de leur pouvoir. L’ambition de la plèbe était de briser les vieilles barrières qui l’excluaient de l’association religieuse et politique. Une alliance tacite s’établit ; les rois protégèrent la plèbe, et la plèbe soutint les rois.

Les traditions et les témoignages de l’antiquité placent sous le règne de Servius les grands progrès des plébéiens. La haine que les patriciens portaient à ce roi, montre suffisamment quelle était sa politique. Sa première réforme fut de donner des terres à la plèbe, non pas, il est vrai, sur l’ager romanus, mais sur les territoires pris à l’ennemi ; ce n’était pas moins une innovation grave que de conférer ainsi le droit de propriété sur le sol à des familles qui jusqu’alors n’avaient pu cultiver que le sol d’autrui[1].

  1. Tite-Live, I, 47. Denys, IV, 13. Déjà les rois précédents avaient partagé les

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