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CH. VII. LA PLÈBE ENTRE DANS LA CITÉ.

tride partageât tout cela avec l’homme de la caste inférieure. Dans la constitution nouvelle il n’était tenu aucun compte des droits de la naissance ; il y avait encore des classes, mais elles n’étaient plus distinguées que par la richesse. Dès lors la domination des eupatrides disparut. L’eupatride ne fut plus rien, à moins qu’il ne fût riche ; il valut par sa richesse et non pas par sa naissance. Désormais le poëte put dire : « Dans la pauvreté l’homme noble n’est plus rien ; » et le peuple applaudit au théâtre cette boutade du comique : « De quelle naissance est cet homme ? — Riche, ce sont là aujourd’hui les nobles[1]. »

Le régime qui s’était ainsi fondé, avait deux sortes d’ennemis, les eupatrides qui regrettaient leurs priviléges perdus, et les pauvres qui souffraient encore de l’inégalité.

À peine Solon avait-il achevé son œuvre que l’agitation recommença. « Les pauvres se montrèrent, dit Plutarque, les âpres ennemis des riches. » Le gouvernement nouveau leur déplaisait peut-être autant que celui des eupatrides. D’ailleurs en voyant que les eupatrides pouvaient encore être archontes et sénateurs, beaucoup s’imaginaient que la révolution n’avait pas été complète. Solon avait maintenu les formes républicaines ; or le peuple avait encore une haine irréfléchie contre ces formes de gouvernement sous lesquelles il n’avait vu pendant quatre siècles que le règne de l’aristocratie. Suivant l’exemple de beaucoup de cités grecques, il voulut un tyran.

Pisistrate, issu des eupatrides, mais poursuivant un

  1. Euripide, Phéniciennes. Alexis, dans Athénée, IV, 49.