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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Pendant seize années encore, l’opposition farouche des pauvres de la montagne et l’opposition patiente des riches du rivage firent une rude guerre aux eupatrides. À la fin, tout ce qu’il y avait de sage dans les trois partis s’entendit pour confier à Solon le soin de terminer ces querelles et de prévenir des malheurs plus grands. Solon avait la rare fortune d’appartenir à la fois aux eupatrides par sa naissance et aux commerçants par les occupations de sa jeunesse. Ses poésies nous le montrent comme un homme tout à fait dégagé des préjugés de sa caste ; par son esprit conciliant, par son goût pour la richesse et pour le luxe, par son amour du plaisir, il est fort éloigné des anciens eupatrides et il appartient à la nouvelle Athènes.

Nous avons dit plus haut que Solon commença par affranchir la terre de la vieille domination que la religion des familles eupatrides avait exercée sur elle. Il brisa les chaînes de la clientèle. Un tel changement dans l’état social en entraînait un autre dans l’ordre politique. Il fallait que les classes inférieures eussent désormais, suivant l’expression de Solon lui-même, un bouclier pour défendre leur liberté récente. Ce bouclier, c’étaient des droits politiques.

Il s’en faut beaucoup que la constitution de Solon nous soit clairement connue ; il paraît du moins que tous les Athéniens firent désormais partie de l’assemblée du peuple et que le Sénat ne fut plus composé des seuls eupatrides ; il paraît même que les archontes purent être élus en dehors de l’ancienne caste sacerdotale. Ces graves innovations renversaient toutes les anciennes règles de la cité. Suffrages, magistratures, sacerdoces, direction de la société, il fallait que l’eupa-