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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

ou il s’est contenté de décréter l’égalité des droits. C’est ce qu’on vit à Syracuse, à Érythrées, à Milet.

Là, au contraire, le peuple a usé de moyens moins violents. Sans luttes à main armée, par la seule force morale que lui avaient donnée ses derniers progrès, il a contraint les grands à faire des concessions. On a nommé alors un législateur et la constitution a été changée. C’est ce qu’on vit à Athènes.

Ailleurs, la classe inférieure, sans secousses et sans bouleversement, arriva par degrés à son but. Ainsi à Cumes le nombre des membres de la cité, d’abord très-restreint, s’accrut une première fois par l’admission de ceux du peuple qui étaient assez riches pour nourrir un cheval. Plus tard on éleva jusqu’à mille le nombre des citoyens, et l’on arriva enfin peu à peu à la démocratie[1].

Dans quelques villes, l’admission de la plèbe parmi les citoyens fut l’œuvre des rois ; il en fut ainsi à Rome. Dans d’autres, elle fut l’œuvre des tyrans populaires ; c’est ce qui eut lieu à Corinthe, à Sicyone, à Argos. Quand l’aristocratie reprit le dessus, elle eut ordinairement la sagesse de laisser à la classe inférieure ce titre de citoyen que les rois ou les tyrans lui avaient donné. À Samos, l’aristocratie ne vint à bout de sa lutte contre les tyrans qu’en affranchissant les plus basses classes. Il serait trop long d’énumérer toutes les formes diverses sous lesquelles cette grande révolution s’est accomplie. Le résultat a été partout le même : la classe inférieure a pénétré dans la cité et a fait partie du corps politique.

Le poëte Théognis nous donne une idée assez nette de cette révolution et de ses conséquences. Il nous dit que

  1. Héraclide de Pont, dans les Fragm. des hist. grecs, t. II, p. 217.